Les femmes et le monde arabe: une évolution continue

Interview avec la Docteure Nouha Belaid

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  Redazione
  29 giugno 2019
  7 minuti, 18 secondi

Le monde arabe est en train de changer, aussi grâce au rôle de la femme qui a connu une certaine évolution dans les dernières années. Il faut faire beaucoup d’efforts encore et les mêmes pays arabes les plus conservateurs devraient considérer le besoin très fort de changement qui provient de la société civile. Nous avons le plaisir de vous offrir une interview sur les femmes dans le monde arabe avec la Docteure Nouha Belaid, experte tunisienne en médias et communication et personne active pour la défense des droits de l’homme et de l’accès à l’information.

Docteure Belaid, l’objectif numéro 5 du programme de développement durable des Nations Unies s’occupe spécifiquement de l’égalité entre les sexes

Quelle est la situation générale pour ce qui concerne la condition des femmes dans le monde arabe?

« La situation de la femme diffère d’un pays arabe vers un autre. Les femmes tunisiennes, marocaines, algériennes, libanaises et jordaniennes ont plus de marge de liberté. Cependant, les femmes des pays en conflit à savoir la Lybie et la Syrie souffrent beaucoup plus de restrictions dans ce contexte de crise. De plus, les femmes saoudiennes en particulier ou celles des pays du Golfe d’une manière générale, sont beaucoup plus gérées par les valeurs sociétales qui trouvent leurs origines dans le coran. Mais personne ne peut nier d’ailleurs que la femme tunisienne dispose de la meilleure situation dans le monde arabe vu que le contexte juridique qui défend ses droits. La Tunisie est d’ailleurs le seul pays arabe qui interdit la polygamie ».

Le monde arabe est très vaste

Y-a-t-il des différences à l’intérieur quand on parle du rôle de la femme dans la vie publique et privée?

« Certainement, il y a une grande différence. En Arabie Saoudite, rares sont les femmes qui défendent une cause mais ceci est un fait normal dans d’autres pays. Par exemple, la Reine Jordanienne Rania représente le modèle de la femme leader et défend de nombreuses causes. Elle est même porteuse du projet « Edrak » qui soutient l’enseignement en ligne dans le monde arabe. C’est également le cas en Tunisie et en Egypte, où nous avons assisté pendant les révolutions du « printemps arabes » à des manifestations menées ou dirigées par des femmes. De plus, il y a dans ces pays, certaines femmes qui occupent le poste de ministre ou de leader d’un parti politique. Cependant, ceci ne pourrait pas avoir lieu en Arabie Saoudite ou au Qatar ou dans d’autres pays arabes. La valeur de la femme en tant qu’un acteur fondamental de la société, n’est pas la même dans les pays arabes ».

L’Afrique est un continent complexe et diversifié

Quelle a été l’évolution sociale des femmes au Maghreb pendant les dernières années?

« Beaucoup de femmes ont occupé des postes de leadership. Par exemple en Tunisie, Imen Bahroun a été nommée, en 2012, PDG de la Télévision tunisienne publique. Le fait qu’une femme soit nommée à la tête d’une chaine TV publique était une première dans le monde arabe et au Maghreb. Certaines femmes ont occupé le poste de Ministre et ce, dans différents domaines : culture, économie, tourisme et autres, depuis des années. Par exemple, en Algérie, Zhour Ounissi a été nommée secrétaire d'État aux Affaires sociales en 1982, Ministre des affaires sociales entre 1984 et 1986 et Ministre de l'éducation entre 1986 et 1988. En Tunisie, Fethia Mzali a occupé le poste de Ministre de la Famille et des Femmes entre 1983 et 1986. D’une manière générale, au Maghreb, la femme est un acteur fondamental de la société. En Syrie également, Najah al-Attar a été nommée Ministre de la Culture entre 1976 et 2000. Au Yémen, Amat Al-Aleem Alsoswa a occupé le poste de Sous-secrétaire d'État à l'Information entre 1991 et 2000 et de ministre des Droits de l'Homme entre 2003 et 2005. Mais certes, certaines nominations dépendent de l’orientation politique du Président ou du chef de gouvernement du pays ».

Beaucoup de Pays arabes ont connu un certain développement dans les dernières années, en ouvrant aussi de plus en plus leurs économies à l’extérieur

Quel a été l’impact réel sur la participation effective des femmes à la vie économique et leur accès en toute égalité au management des entreprises?

« La femme arabe s’est imposée dans différents domaines notamment la vie économique. Ainsi, on trouve beaucoup de femmes dirigeantes de grandes entreprises économiques dans la région Mena. On trouve même des femmes entrepreneurs. Dans le numéro Hiver 2015/2016 du magazine Afkar (idées), il a été confirmé que dans la région MENA, 12 % des femmes dirigent leur propre entreprise contre 31 % des hommes. Ainsi, la femme se lance ces dernières années dans l’aventure et se trouve en concurrence avec les hommes. Par exemple, au Maroc, lors de la célébration mondiale de la journée de la femme, le numéro 687 du magazine Challenge a publié une liste d’une cinquantaine des femmes qui font bouger ce pays. Ainsi, la femme marocaine à titre d’exemple s’impose sur la scène économique. Mais ceci est bel et bien le cas de beaucoup de femmes dans certains pays arabes. Déjà, le premier réseau international des femmes leaders et dirigeantes a été lancé le 24 janvier 2019, à Casablanca, au lancement de l’Association Wimen, réunissant ainsi la crème de la crème du milieu de l’entreprise au Maroc et ailleurs ».

Nous sommes dans l’époque de la communication, de la technologie, de l’information et des médias sociaux

Quelle est actuellement le niveau d’autonomisation et d’indépendance informatique des femmes arabes?

« La situation des femmes arabes en matière de pratiques informatiques ne diffèrent pas de celle d’une femme européenne. En présence de la bonne infrastructure et de l’équipement nécessaire, les pratiques digitales des femmes arabes sont développées. Bien au contraire, si dans certains pays, les femmes n’ont pas de liberté en temps réel, Internet et les médias sociaux présentent un refuge qui permet à ces femmes de prendre contact avec le monde extérieur ».

Généralement la société exprime des besoins avant que la politique soit prête à comprendre les changements

Combien de travail les législations des pays arabes doivent faire encore afin de parler d’égalité et d’inclusion considérables entre hommes et femmes dans tous les aspects de la vie politique et civile?

« Bien que certains pays arabes aient déjà dépassé cette étape, d’autres pays arabes ont encore beaucoup de travail à faire. Ceci dépend généralement de la nature du régime politique, de la place de la religion dans la gouvernance politique et du rôle de la société civile dans la prise des décisions ».

Dans les pays de l’ouest l’émancipation de la femme a contribué à la sécularisation de la société occidentale

On peut trouver un point d’équilibre entre les droits de femmes et la religion dans le monde arabe?

« Dans certains pays notamment les pays du Maghreb, la religion n’intervient pas beaucoup dans la concrétisation du rôle de la femme au sein de la société. Bien que l’Islam soit la religion officielle en Tunisie, au Maroc et en Algérie, la femme s’impose au sein de la société et arrive à occuper des postes de leadership. Dans d’autres pays arabes plus conservateurs, l’accès de la femme à la vie publique est limité ».

Les médias du “main-stream” traitent souvent le monde arabe comme s’il était un monolithe

Il serait intéressant de connaître des exemples d’activisme par des femmes arabes dans les temps contemporains

« Il y a plusieurs femmes arabes activistes de plus en plus ces dernières années défendant leur liberté et l’égalité entre les femmes et les hommes. Déjà, le « printemps arabe » a été dirigé aussi bien par des hommes que des femmes. Par exemple, en Tunisie, Maya Jribi représente l’icône de la femme militante pour la liberté et la démocratie. Au Yemen, Tawakkol Karman est une militante engagée dans la défense des droits des femmes, fondatrice en 2005 du groupe “Femmes journalistes sans chaînes” ».

Chez Nico Delfine

Nouha Belaid est titulaire d'un doctorat en médias et communication. Actuellement, elle est directrice des études de l'Université Centrale de Tunisie, membre du réseau panafricain "Honoris United Universities". Elle est également l’éditrice de l'Observatoire Arabe du Journalisme et elle est membre du conseil d'administration du Réseau des Journalistes de Données Arabe. En 2017, elle a été nommée par l'UNESCO et l'Union Européenne en tant que membre de 100 jeunes experts tunisiens. Elle est également un membre actif de la société civile et elle défend les droits de l'homme et l'accès à l'information.

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